Tendre Jeudi
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New York je t’aime mais j’attends plus de toi

Il n’est pas toujours facile d’exprimer à la fois le bonheur que j’ai d’être dans cette ville et l’horreur qu’elle me procure.

Je ne sais pas quand exactement je suis tombé amoureux de cette ville… Peut-être grâce au basket lorsque j’étais ado, peut-être grâce au cinéma et aux séries… Certainement que Die Hard 3 y est pour quelque chose et que les films de Woody Allen et Spike Lee aussi. Faut dire qu’un film qui se passe à New York est devenu un argument pour me décider à le regarder…

New York je t’aime, ça ne fait aucun doute. Je me souviens des premiers pas, mon arrivée à l’hôtel, c’était en mars 2012, j’allais sur mes 30 ans. Je me suis installé dans ma chambre, c’était un hôtel sur la 40e rue Est, pas loin de Grand Central Terminal. Je suis sorti de l’hôtel, suis allé sur la gauche en direction de Time Square et j’ai reconnu, sur ma droite, l’entrée du building que l’on voit dans Gremlins 2. J’étais content.

Je me souviens de la deuxième fois où je suis venu à New York, c’était en décembre 2013. Avec mon amoureuse, nous voulions y faire Noël et profiter de la magie de l’époque et de la ville. Même hôtel, l’immeuble de Gremlins 2 et cette ville aux couleurs de Noël ! C’était merveilleux ! Il y avait certes beaucoup plus de monde – si bien que nous avions à peine vu Time Square tellement la foule était présente – mais c’était magique, de quoi vous faire aimer Noël. Nous avions fait les principaux sites touristiques, les grands musées, les lumières de la ville, c’était sublime ! La Statue de la Liberté. L’Empire State Building. Central Park. Le majestueux Pont de Brooklyn, et j’en passe.

Nous avons découvert Junior’s dans le sous-sol de Grand Central Terminal et sommes allés à Brooklyn dans leur restaurant historique et y avons mangé les meilleurs cheesecakes de nos vies !

Alors j’ai décidé que je reviendrai. Pour mes 40 ans. Remonter au sommet d’un immeuble, prendre des photos, aller voir Coney Island, Chinatown, Little Italy, retourner à Strand Book Store acheter des livres et des babioles !

L’été 2022 est alors arrivé, annonçant l’inévitable catastrophe d’un changement de décennie… Je ne rêvais pas d’un grand restaurant à Manhattan dans un immeuble éclatant, entouré de tout le gratin new-yorkais… Non, je voulais traverser le pont de Brooklyn à pied, prendre des photos, et retourner manger à Junior’s, me commander un burger et un cheesecake.

Et je ne fus pas déçu.

Pont de Brooklyn vu depuis le quartier de Dumbo à Brooklyn. Vue sur Manhattan.

Pas déçu non plus de revoir le Pont de Brooklyn, de le traverser, de profiter de la skyline de Manhattan, de traîner sur les bords de l’East River.

Cette fois notre hôtel est à Wall Street et nous remontons l’Hudson et sa promenade et c’est charmant et agréable.

New York je t’aime, ça ne fait aucun doute.

Mais quelque chose a changé… Ou peut-être ai-je changé ? En 10 ans je l’espère…

En 2017, nous sommes allés à San Francisco et avons été surpris et choqués par la présence massive de SDF dans les rues. Je découvre alors – peut-être naïvement – les fameux crackheads, ces personnes droguées au crack qui errent tels des zombies dans la ville sur la baie. Ils dorment dans la rue et le premier soir, après un petit restaurant, nous voilà enjambant des êtres humains dormant à même le sol sur des trottoirs. Parfois ils se lèvent et pissent à côté d’où ils dorment.

Il y a évidemment, et hélas, de trop nombreux SDF en France, mais jamais je n’en ai vu autant. J’apprendrai par la suite que beaucoup de ces SDF sont des vétérans, abandonnés par l’armée. Sers ton pays qu’ils disaient…

Avec mon amoureuse, nous nous étonnons de cette population livrée à elle-même car à New York nous n’avions pas vu de SDF, ou si peu. Peut-être parce que c’était l’hiver, peut-être parce que la Californie possède un climat plus clément pour vivre dehors ? Nous élaborons des théories sans jamais être vraiment convaincus…

En juillet 2022, j’ai donc 40 ans et je reviens à New York avec bonheur, admiration et tendresse. La ville me passionne, je veux la revoir et découvrir de nouveaux lieux.

Au bout de quelques heures, quelque chose me chiffonne néanmoins. La ville est sale. La ville pue. Parfois, il y a des odeurs de merde, c’est irrespirable. Les effluves s’accumulent ici et là, viande trop cuite, chaleur des climatiseurs, pots d’échappements, tout est multiplié par 100. Les gens balancent leurs verres en carton, des déchets à même le sol… ça ne dépayse pas trop, ça ressemble bien à la France… Mais je m’étonne pourtant. Ce n’était pas si sale il y a dix ans… Et puis il y a ce type allongé sur le sol sur un trottoir. On dirait qu’il dort, on dirait qu’il est mort. Je le regarde attentivement, il est maigre, la peau burinée par le soleil et par la vie. Les gens ne le regardent même pas. Il pourrait être mort. Il respire. Il est dans les vapes. Mon amoureuse m’informe qu’il y a une seringue à côté de lui. Une seringue.

Je repense à mon collègue qui est venu voir New York quelques semaines plus tôt et qui s’était étonné de la présence d’autant de SDF complètement défoncés. On lui a expliqué que c’est le Covid qui a créé cette situation à New York. Possible. Qui s’est occupé de ceux qui ont perdu leurs emplois et qui n’avaient déjà pas grand chose ?

Il fait chaud à New York. Des odeurs de pisse émanent de certaines bouches de métro, des arômes de merdes. Des SDF dorment au milieu des rats.

Un SDF essaie de se lever, une aiguille plantée dans le bras. Je ne sais pas si je dois l’aider ou l’ignorer… Je dois le confesser, je suis un peu dégouté, effrayé. Par la saleté, par ce poison qu’il s’injecte dans le corps, ultime recours pour se sentir vivant dans une société qui l’ignore et le laisse crever. Je me sens lâche, démuni.

Marche ou crève. Il ne peut même pas se redresser. Il crèvera dans l’indifférence la plus crasse de ceux qui sont soulagés de ne pas être à sa place.

C’est le triomphe de l’individualité et de l’individualisme. Si tu as réussi, c’est grâce à toi-même, si tu as échoué, c’est à cause de toi. Il n’y a pas de place pour une solution collective. Surtout s’ils pensent que tu n’as rien à leur apporter. Démerde-toi, les opportunités ne manquent pas te diront-ils. C’est le pire du capitalisme qui s’illustre ici, c’est la richesse qui piétine la pauvreté. Le statu-quo doit être maintenu. Ne tendons aucune main, ne changeons rien. Tout devient pire, rien ne s’arrange. Le pays des pires capitalistes chrétiens n’en ont cure des autres. Il y en a que pour eux.

Et puis ça pue l’herbe. Ça ne puait pas l’herbe comme ça avant. La marijuana a été légalisée alors les gens s’en donnent à cœur joie.

J’ai toujours eu du mal à me positionner sur la question de la légalisation de la marijuana. Sur le principe, je ne suis pas contre. En revanche, je ne suis pas pour la démocratisation de cette merde. Car cela en est… Ce qui me choque c’est que beaucoup de gens en consomment. Des ouvriers sont en pause et fument un joint. Un adolescent sort du métro à Coney Island et allume sa drogue. Dans le train, un type se fait rabrouer par une contrôleuse car il vapote son herbe… À l’hôtel, quelqu’un dans sa chambre fait fi des règles et vapote à son tour. Dans un parc où jouent des enfants, des jeunes fument près des gamins.

Ils s’en foutent. Tout le monde s’en fout de tout le monde. La responsabilité individuelle n’est qu’une illusion, qui au nom de la liberté ne crée que plus de chaos.

Mais comment voudriez-vous qu’ils s’en soucient ? La marijuana désinhibe, on ne va pas demander à ces personnes de se responsabiliser, si ?

Ça devient vite désagréable. L’odeur de l’herbe me file la nausée, c’est très égoïste de ma part. Mais je doute qu’une société tend à l’intelligence en démocratisant une chose qui rend con. On n’est pas là dans une consommation récréative, mais bien dans une consommation régulière. Le capitalisme veut gagner de l’argent au détriment de la santé. Cynique système économique qui tue sans état d’âme. La liberté a bon dos si elle ne te protège pas. Même de toi-même.

Mais New York reste New York. La ville s’impose, tout est grandiose, majestueux. La ville respire le génie humain, le génie sans limite. Son architecture fascine, ce qu’elle réhabilite fait sens dans l’histoire. Tout va très vite, rien ne s’arrête, l’impression que la ville ne dort jamais est pressante, les zombies travailleurs sont à l’œuvre et permettent ce qui semble pourtant impossible. Ils doivent être forts, ils n’ont pas le choix. Ils travaillent d’arrache-pied pour une vie meilleure. Ceux qui n’y croient plus fuient peut-être dans la drogue. Les opportunités ne sont pas pour tout le monde. La ville n’offre pas toutes les chances mais l’espoir est là malgré tout. Je ne dis pas que c’est bien de se bercer d’illusions, mais cela donne du sens vraisemblablement.

New York…

Tu es la ville de ces gens qui t’accostent pour te parler du droit des femmes, de ces gens désespérés par le monde et qui s’accrochent encore. De ceux qui veulent te parler du monde qui va mal, sans jeter un œil à cet SDF derrière eux.

Ne m’en veux pas New York. Je suis exigeant avec ceux que j’aime. Je sais que tu peux mieux faire, je sais que tu vaux mieux que ce que tu montres.

Je ne sais pas quand je te reverrai New York. J’espère que tu changeras encore, pour le meilleur. J’espère que tu tendras vers plus de justice sociale, j’espère que tu te dresseras tel un phare montrant la voie à une humanité vacillante. Tu pourrais être cet exemple dont on a tant besoin. Tu pourrais tendre vers le meilleur, tu pourrais être exemplaire, tu pourrais. Tu as tout pour y arriver. Quelle est ton excuse pour être si médiocre New York ? Tu n’as pas envie d’être la meilleure ?

Tu pourrais New York.

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