Qu’est-ce que l’altricialité ?
Sommaire
- Origine et signification du terme « altricialité »
- Les espèces altriciales : une présentation
- Altricialité primaire et secondaire : distinctions
- L’ontogenèse chez les êtres altriciaux
- Altricialité et structures fondamentales des sociétés humaines
- Le concept d’altricialité selon Bernard Lahire du CNRS
L’altricialité, terme dérivé du latin altrix, fait référence au degré de maturité d’un cerveau animal au moment de la naissance. L’humain, spécifiquement, présente une altricialité secondaire, prolongeant ainsi son temps de dépendance envers les adultes. Ce phénomène, fondamentalement lié à l’ontogenèse, soulève des questions intéressantes sur le développement et l’évolution des structures sociales humaines. Cette analyse explorera ces aspects complexes et essentiels.
Origine et signification du terme « altricialité »
Le terme « altricialité » trouve ses racines dans le latin « altrix », signifiant « nourrice ». Il est utilisé pour décrire les animaux qui naissent dans un état de dépendance totale, nécessitant des soins prolongés de la part de leurs parents. Ce concept est particulièrement pertinent chez les oiseaux et certains mammifères, comme les rongeurs, dont les petits ne peuvent survivre sans assistance parentale.
Ce concept a été popularisé par le zoologiste suisse Adolf Portmann dans les années 1950. Il a différencié l’altricialité primaire, liée à la dépendance néonatale, de l’altricialité secondaire. Cette dernière se réfère à la phase prolongée de développement du cerveau humain après la naissance.
L’altricialité secondaire permet une imprégnation culturelle et sociale plus profonde, façonnant ainsi les structures de la société humaine. Cette dépendance prolongée a une portée anthropologique capitale, influençant la manière dont les humains interagissent et se développent au sein de leur environnement.
Les espèces altriciales : une présentation
Les espèces altriciales sont caractérisées par une dépendance totale des nouveau-nés envers les adultes pour leur survie. À la naissance, les jeunes de ces espèces sont souvent nus, aveugles et incapables de se déplacer. Ils nécessitent des soins parentaux intensifs pour se nourrir, se protéger et apprendre les comportements nécessaires à leur survie.
Parmi les exemples d’espèces altriciales, on trouve :
- Les passereaux dont les oisillons naissent les yeux fermés
- Les rongeurs comme les souris et les hamsters dorés
- Les félins, notamment les chats domestiques
Ces soins prolongés permettent une maturation cérébrale et comportementale essentielle. Chez les humains, cette période d’altricialité est encore plus prononcée, avec une croissance cérébrale significative après la naissance. Cette dépendance a des implications majeures pour le développement social et culturel des individus.
Les espèces altriciales, en raison de leur vulnérabilité initiale, développent des stratégies de survie complexes, souvent basées sur des relations sociales et une coopération accrue au sein des groupes.
Altricialité primaire et secondaire : distinctions
L’altricialité primaire concerne la période immédiate après la naissance. Le nouveau-né est totalement dépendant de son entourage pour survivre et se développer. À ce stade, le cerveau humain est immature, atteignant seulement 25 % de sa taille adulte.
En revanche, l’altricialité secondaire s’étend bien au-delà de la période néonatale. Cette phase se caractérise par une croissance cérébrale continue et lente. Elle permet une interaction prolongée avec l’environnement et une immersion culturelle approfondie.
Les neurones pyramidaux, par exemple, continuent de former des connexions complexes. Cette neuroplasticité prolonge la capacité d’apprentissage et d’adaptation.
Cela contraste fortement avec les autres mammifères, où la maturation cérébrale est plus rapide. Les humains développent ainsi un cerveau plus plastique et adaptable, renforçant leur spécificité en tant qu’êtres hyper-sociaux et hyper-culturels.
L’ontogenèse chez les êtres altriciaux
Les êtres altriciaux, comme les humains, présentent une caractéristique unique dans leur développement ontogénétique. Leur cerveau, très immature à la naissance, nécessite une croissance prolongée. Cette période de dépendance permet une interaction étroite avec l’environnement physique et social.
Durant cette phase, les nouveau-nés sont exposés aux influences diverses, façonnant leur développement cognitif et émotionnel. Les interactions avec les parents et les proches jouent un rôle crucial dans la maturation cérébrale.
La lenteur de cette maturation favorise une plasticité neuronale accrue. Jean-Pierre Changeux, célèbre neurobiologiste, a montré que cette plasticité permet l’adaptation à des environnements variés. En conséquence, les êtres altriciaux développent des compétences sociales et culturelles complexes.
Les soins prolongés des parents sont essentiels pour assurer la survie et le bon développement des jeunes. Ces soins incluent la protection, l’alimentation et l’enseignement des comportements sociaux.
Altricialité et structures fondamentales des sociétés humaines
L’altricialité humaine, caractérisée par une longue période de dépendance, joue un rôle crucial dans la formation des structures sociales. Cette dépendance initiale engendre des rapports de domination et de subordination qui structurent les relations sociales dès l’enfance.
Les enfants, totalement dépendants des adultes pour leur survie, doivent intégrer des normes et des comportements essentiels à leur culture. Cette transmission se fait principalement par l’intermédiaire des parents et de la communauté.
Ces interactions prolongées favorisent l’apprentissage de compétences sociales complexes. Les enfants apprennent à naviguer dans un environnement social dense, où la coopération et l’entraide sont souvent nécessaires pour survivre et prospérer.
Par ailleurs, cette période de dépendance prolongée permet une accumulation culturelle. Les connaissances et les savoir-faire se transmettent de génération en génération, renforçant ainsi la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance au groupe.
Le concept d’altricialité selon Bernard Lahire du CNRS
Bernard Lahire, sociologue au CNRS, met en avant le concept d’altricialité secondaire pour illustrer la particularité de l’espèce humaine. Selon lui, cette immaturité à la naissance force les humains à dépendre fortement des soins et des interactions sociales pour leur développement. Cette dépendance prolongée entraîne une plasticité neuronale accrue et une capacité d’apprentissage continue tout au long de la vie.
Lahire souligne que cette altricialité secondaire crée des dynamiques de domination et de subordination dès le plus jeune âge. Ces rapports sont essentiels pour comprendre la structuration des sociétés humaines. Les enfants, dépendants de leurs parents et de la communauté, doivent assimiler des normes et des compétences culturelles pour s’intégrer.
En outre, cette période de dépendance permet une accumulation de connaissances et de savoir-faire, transmise de génération en génération. Cela renforce la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance. Par exemple, les enfants apprennent des comportements sociaux et techniques essentiels à leur culture, assurant ainsi la perpétuation des traditions et des valeurs au sein de la société.
Sources :
- Altricialité secondaire : vulnérabilité et dépendance de l’enfant humain
- Nidicole et nidifuge
- Le développement général du cerveau
- Dynamique des relations familiales et développement personnel à l’adolescence
- Bernard Lahire, Les structures fondamentales des sociétés humaines
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