Tendre Jeudi
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L’enfant et le taureau

Je dois avoir 8 ou 9 ans. Je suis deva à nt les arènes de Dax. J’entends des oh et des ah et des applaudissements qui viennent du cirque, j’aime bien l’ambiance qui règne dans la ville, c’est festif, léger.

Je suis là avec mes parents et des amis. Ma mère, mon beau-père et moi, nous nous promenons avec les autres enfants et les autres femmes. Les autres hommes sont allés dans l’arène, je ne sais pas pourquoi moi je n’y ai pas droit. Apparemment, je serais trop petit.

Ma mère m’explique qu’on y tue des taureaux et que je n’ai pas besoin de voir ça. Au fond, je n’ai surtout pas envie de le voir, mais je n’aime pas que des choses soient permises aux grands et pas aux petits.

J’ai du mal à visualiser dans ma tête ce qui se passe dans cet endroit où tant de personnes ont l’air de s’amuser.

Alors que nous traversons la rue, un camion arrive vers nous. Il ressemble à celui de mon père maçon. C’est un camion-benne gris. J’aimais bien monter dans la benne, il y avait souvent du sable ou des gravats. Mais aussi très souvent des ordures sorties des chantiers alors je n’avais pas le droit d’y aller. C’était devenu un jeu pour moi de vérifier ce qu’il y avait dans la benne pour savoir si je pouvais y monter ou non.

Les pieds sur le trottoir, j’attends que le camion passe devant moi. Il sort des arènes, je me demande ce qu’ils ont bien pu mettre dans la benne, peut-être du sable, je sais qu’il y a du sable dans les arènes.

Le camion passe et laisse du sang dans son sillage. Une bête énorme, étendue, semble dormir dans la benne. C’est un énorme taureau, une magnifique bête étalée à la vue de tout le monde. Morte. C’est donc pour ça que les gens ont hurlé de joie et applaudi, pour la mort d’un taureau, pour la mort spectaculaire d’un taureau. Le camion s’éloigne. Je fais quelques pas en arrière, horrifié. Qu’est-ce qui leur a pris de s’amuser à tuer ce taureau ? Je regarde mes pieds, du sang a giclé sur mes chaussures blanches.

Je ne peux contenir mes larmes.

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