J’aime entrer dans les librairies à chacun de mes voyages/séjours. On y découvre l’esprit d’un pays, d’une ville ou d’un quartier, d’un libraire.
Là, à Paris, dans le Quartier Latin, chic au possible, j’ai acheté un livre qui raconte les pauvres. Est-ce un pied de nez ? Sans doute.
Les premières pages lues sur ces pavés dont on espérait il y a quelques années une plage en-dessous, sont particulièrement sublimes.
A découvrir chez Actes Sud.
La guerre des pauvres d’Éric Vuillard est un récit passionnant sur le soulèvement des populations contre les princes entre le 15e et 16e siècles. Tout part d’un constat simple : la Bible, la parole de Dieu, n’est pas accessible au peuple car écrite exclusivement en latin. Ainsi, les peuples ne peuvent savoir ce qu’il y a écrit dedans, ni les principes de tolérance ni les principes d’égalité. Comment garder un peuple sous contrôle ? Le plonger dans l’ignorance.
On suit alors les pérégrinations de Thomas Müntzer, prédicateur, qui essaie de combattre les princes et de les renverser afin de créer une société plus juste. Éric Vuillard, prix Goncourt 2017, signe avec ce livre une histoire fascinante et montre combien les pouvoirs, à travers un récit historique, ont toujours tout fait pour garder leurs privilèges, même contre le temps, même contre les mots d’un livre sacré.
On pourrait sans nul doute voir dans ce court texte un pamphlet contre les princes actuels, riches et élus qui conservent pouvoirs économiques et politiques, et laissent, tout en tapant un peu déçu, les exaspérés – comme les appelle Vuillard – gueuler, battre le pavé, twitter, pour ne rien modifier, pour ne rien améliorer.
Vuillard signe un texte puissant dont la raisonnance historique est indéniable. Un feu de cheminé transformé plus tard en feu de forêt qui n’est aujourd’hui qu’un souvenir qui ne réchauffe même plus.