Mathilde s’était levée à 5h ce matin. Fatiguée, elle rentrait chez elle après une nouvelle journée de travail difficile. Elle avait passé sa journée à s’occuper des patients de l’aile des soins palliatifs, à les nourrir, les laver, leur parler pour ceux qui pouvaient encore.
C’était un métier usant, tant physiquement que mentalement, mais le sens qu’elle y mettait lui permettait de venir travailler la tête haute chaque jour. Elle faisait sa part, comme elle aimait dire.
Il était 15h, elle garait sa voiture devant chez elle, et son estomac se noua lorsqu’elle aperçut son voisin. Refusant de se cacher, elle sortit et ferma sa voiture et se dirigea vers sa porte. Le voisin passa derrière elle et lui dit qu’elle n’était pas chez elle ici et qu’elle ferait mieux de retourner en Afrique. Elle se figea, ne sachant plus si elle avait déjà tourné la clé dans la serrure. Elle ne dit rien, entra et ferma derrière elle. Elle s’appuya contre sa porte, inspira profondément quand quelqu’un frappa fort contre la porte ce qui la fit sursauter. Elle refusa de pleurer et se dirigea vers sa cuisine où elle se servit un verre d’eau, la main tremblante.
Elle ouvrit la porte de derrière, donnant sur son petit jardin et entreprit d’arroser ses roses. Elles étaient son petit bonheur, sa grande passion, elle les avait plantées avec ses enfants, et maintenant partis, elle en prenait soin en pensant à eux qui faisaient leurs vies, l’un agent d’assurance, l’autre professeur des écoles. Elle était tellement fière d’eux.
“J’ai croisé la voisine, entendit-elle venant de l’autre côté.
– Quand est-ce qu’elle rentre chez elle cette guenon ?
– Après les élections ! On la mettra dans un avion et direction son pays de merde !
– Dans un bateau ! On va pas leur payer l’avion à ces animaux ! Et on crèvera le bateau pour pas qu’ils reviennent !”
Mathilde rentra sans bruit chez elle pour ne pas attirer l’attention, ferma la porte à double tour et alla s’allonger sur le canapé en pleurs.
A l’hôpital, Mathilde était appréciée de ses collègues et des patients. Elle prenait soin d’eux, certains n’avaient plus de famille alors elle les aidait un peu à avoir de meilleurs derniers moments.
Un nouveau patient arriva et Mathilde se chargea de l’installer correctement dans sa chambre et de faire sa toilette avant de lui servir son déjeuner. C’était une vieille femme peu bavarde à qui on ne donnait plus que quelques semaines à vivre. Elle mangeait difficilement toute seule alors Mathilde l’aidait à amener les aliments jusqu’à sa bouche.
Un médecin entra.
“Ah ! Mathilde ! Je vois que vous vous occupez déjà de Madame Blanchard ! Vous allez voir, Mathilde est une de nos aides-soignantes les plus dévouées, votre mère est entre de bonnes mains !”
Mathilde salua la famille mais son sang se glaça lorsqu’elle aperçut ses voisins. Ces derniers, surpris de la voir, la saluèrent avec gentillesse. Mathilde termina de nourrir sa patiente et partit.
Tous les jours, pendant deux semaines, Mathilde croisait ses voisins à l’hôpital, et elle s’occupa de la maman avec autant de délicatesse et de professionnalisme qu’avec n’importe quel autre patient. Madame Blanchard mourut sans souffrir tandis que Mathilde lui tenait la main.
Deux jours plus tard, Mathilde rentrait chez elle et aperçut son couple de voisins tandis qu’elle se garait. Pour une fois, elle n’eut pas peur, persuadée que ses actions parlaient pour elle, et qu’ils ne pourraient que la respecter, voire même la remercier.
Elle leur sourit, comme elle faisait à l’hôpital avec toutes les familles.
“Si on avait gagné les élections, on aurait pas à supporter ta salle gueule de guenon ! Lui dit la femme.
– Tu as tué ma mère sale connasse ! Rentre chez toi, on est chez nous ici ! Compléta l’homme.
Mathilde entra et ferma la porte derrière elle, vérifiant plusieurs fois qu’elle avait bien tourné la clé correctement. Elle traversa le couloir, se servit un verre d’eau en tremblant, ouvrit la porte de derrière pour arroser ses roses, mais ne put retenir un cri lorsqu’elle découvrit ses pieds de rosiers arrachés et découpés.
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