Quand j’étais môme, j’adorais regarder ma mère faire des compilations de chansons. Quand nous partions en vacances, elle prenait toujours le temps de préparer des cassettes pour la voiture. Elle s’installait à côté de la chaîne hifi avec sa pile de CD et ses cassettes vierges, et choisissait avec méthode l’enchaînement des chansons. Elle notait les titres et leurs durées, puis calculait combien de temps il restait sur la bande pour ainsi maximiser au mieux l’espace disponible.
Elle passait d’un disque à l’autre, écoutait la musique en agitant la tête, mettait son crayon à la bouche, posait des additions sur du papier puis recommençait. Elle y passait beaucoup de temps, tandis que mon père préparait les valises, faisait le ménage ou allait faire des courses. Il ne lui disait rien car il aimait ses goûts musicaux et savait qu’on pourrait tranquillement rouler sans se soucier des radios qui grésillent. De toute façon, mes parents semblaient très bien organisés. Ils partageaient les tâches ménagères, pareil pour les courses, ils étaient très modernes. Du coup, quand j’entendais des enfants dire que la place des femmes était à la cuisine, j’avais du mal à comprendre parce que mon père faisait presque tous les jours la cuisine tandis que ma mère tricotait, lisait, se détendait dans le salon. Cuisiner détendait mon père, chacun son truc non ?
Personnellement, je préférais me mettre dans le canapé non loin de ma mère, il y avait toujours de la musique en fond, rarement la télévision. Parfois, elle et moi jouions à Tetris. Nous faisions des parties de type B. C’est un mode de jeu où il y a déjà des briques sur l’écran. Nous choisissions le niveau le plus élevé, celui avec des briques qui prennent les trois-quarts de l’espace. Pour la vitesse, nous nous mettions au plus rapide, niveau 9 ! Pour gagner, il fallait réussir à faire 25 lignes ! En général, ça allait vite, au bout de 5 lignes, nous avions perdu et passions la console à l’autre ! Du coup, une véritable compétition s’installait entre ma mère et moi tandis que mon père nous appelait pour manger et qu’il devait attendre que l’un ou l’autre gagne. Si cela tardait trop, nous convenions d’un médiocre « égalité » qui ne satisfaisait personne, sinon ceux qui avaient faim.
Souvent, après le repas, nous débarrassions tous ensemble, puis ma mère regardait le programme télé dans son magazine Télé 7 Jours. Elle allumait ensuite le téléviseur, mon père regardait à son tour le programme, ils débattaient de ce qu’ils allaient regarder, la plupart du temps ma mère gagnait le débat par un : toi de toute façon, tu t’endors toujours au bout d’un quart d’heure, ce qui était vrai, et moi je continuais à jouer à la Game Boy, à Zelda ou Motocross Mania. Mon frère filait en général dans sa chambre jouer sur son ordinateur, je l’enviais un peu et espérais secrètement avoir un jour un ordinateur dans ma chambre à mon tour.
Comme ma mère, j’adore faire des compilations. J’en ai fait sur cassettes bien sûr, sur CD aussi, et puis après j’ai fait des playlists sur mon téléphone ou en ligne. Dix à quinze morceaux, pas plus. Pas nécessairement des playlists thématiques, en général, des morceaux que j’ai envie d’écouter à tel ou tel moment. Je fais maintenant des playlists mensuelles. Avec du tout du rien, mais surtout avec la même logique et la même méthode que ma mère sur l’enchaînement des chansons. C’est le plus précieux quand on crée des compilations.