Tendre Jeudi
Un blog avec de la lecture dedans

(Parenthèse 6)

Quand je me suis de nouveau intéressé aux filles, quand j’ai enfin compris qu’Alice était de l’histoire ancienne, j’ai repris le sport. J’avais toujours été plutôt sportif, rêvant de stades remplis où des dizaines de milliers de personnes scanderaient mon nom et je lèverais les bras et ils feraient encore plus de bruit, heureux sans doute de voir que je sais lever les bras, tout comme eux.

Mais je n’ai jamais été brillant dans un sport. Je suis d’ailleurs bien conscient qu’il faut persévérer pour être bon. Mon truc, c’était de courir. Pas très vite certes, pas trop longtemps non plus parce que bon, j’ai autre chose à faire, mais j’aimais bien courir.

Du coup, j’ai repris la course à pied. Pour être en forme. Pour avoir un peu plus d’endurance. C’est important d’être endurant. Très.

J’ai couru donc. Une heure tous les jours. Musique sur les oreilles. Toujours de la musique. J’ai couru le long des quais du Rhône, de la Saône, j’ai monté la colline de Fourvière, je l’ai descendue, j’ai monté celle de la Croix Rousse, je l’ai descendue. J’ai commencé à être un peu plus rapide, bien dans mon corps, puis bien dans ma tête.

C’est chouette le jogging. Je cours toujours un peu. Une à deux fois par semaine désormais. Courir c’est bien, mais on ne va pas se mentir, ça fatigue. Faut pas courir n’importe comment.

Courir c’était bien, mais je n’allais pas très loin du coup. Alors je me suis acheté un vélo. Enfin, mon père m’a offert un vélo pour être précis. Et donc j’ai pédalé. D’abord pas très loin, puis de plus en plus loin. Je me suis acheté un compteur, et j’ai donc compté les kilomètres et les kilomètres par heure. Je partais des journées entières à suivre des routes au hasard, à monter des côtes sans savoir quoi y trouver en haut.

J’ai pédalé sans nul autre but que d’avancer vers nul part. J’aimais ça. Beaucoup. J’aimais être seul sur mon vélo comme j’aimais courir seul. J’aimais l’effort à produire, j’aimais l’après effort, la récupération, j’aimais la satisfaction d’atteindre un sommet.

Puis un jour, alors que je me vantais auprès d’une camarade de classe de tout le sport que je faisais, elle me dit, comme ça, sans crier garde, qu’elle n’est pas étonnée que je sois célibataire avec tout le sport que je fais…

Je me suis senti con, très con.

Je faisais justement du sport pour être un peu plus beau, et je n’en profitais pas. J’étais devenu un drogué du sport, un obsédé du bitume, un comptable du kilométrage.

J’ai rangé mon vélo, me suis dit qu’il fallait que j’arrête avec les obsessions débiles et jusqu’au-boutistes et qu’il fallait peut-être que je passe un peu plus de temps avec mes congénères.