J’ai fini par me remettre d’Alice. On est une espèce adaptable. A partir du moment où on comprend qu’on n’est pas disposé à aimer qu’une seule personne dans notre vie, et qu’on sera aimé de nouveau, tout s’arrange.
Je ne dis pas que ça a été facile, hein, loin de là…
J’ai été le genre de mec à m’apitoyer sur mon sort, à n’avoir qu’un seul et même sujet de conversation, à saouler tout le monde, à tout ramener à mon histoire d’amour.
Il faut dire que, pour ma défense, Alice faisait partie de mon quotidien, c’était la femme de ma vie ! Jamais je n’avais imaginé jusqu’alors que je puisse vivre une histoire d’amour avec une autre femme…
C’est pour cela que je l’ai attendue. Je ne pouvais admettre qu’elle était partie. Elle allait revenir, il n’y avait aucun doute. Je me surprenais parfois à espérer qu’elle fût morte afin de ne plus avoir à vivre avec l’espoir d’un éventuel retour…
Aujourd’hui encore, il m’arrive de penser qu’elle reviendra. Quand on sonne à ma porte et que je n’attends personne. Je me dis : et si c’était elle ? Je lui dirai sans doute d’aller se faire voir…
La série Dawson m’a aidé à y voir plus clair. Vous savez cette série avec ce fan inconditionnel de Spielberg qui rêve de devenir réalisateur ? Dawson est insupportable comme type. Il se prend trop la tête et il ne comprend pas que sa pote Joey ne se définit pas qu’à travers lui.
Et ça, ça a été une révélation pour moi ! Comprendre que je ne dépendais pas d’Alice et que je pouvais me soustraire de nos souvenirs… Elle n’était alors plus qu’un fantôme qui avait certes contribué à me façonner, mais qui n’était désormais plus que cet amour d’adolescent qui se mourait inexorablement…
J’ai d’abord regardé la série à la télévision, puis j’ai acheté les DVD en import. En douce, comme on achète du porno en ligne. Une jeune femme avec qui j’avais sympathisé et qui avait tendance à tout intellectualiser et à porter un jugement non réfléchi à l’emporte-pièce, remarquant ma collection de DVD de Dawson, me regarda avec mépris, ne comprenant pas comment je pouvais visionner cette série débile pour adolescents. Quand on a 20 ans, c’est un peu compliqué de justifier son attachement à Dawson. N’assumant, pas, je lui ai dit qu’ils m’avaient été offerts, puis, remarquant qu’ils étaient importés, elle leva les yeux au ciel et me dit que tant qu’à ramener un souvenir des Etats-Unis, autant ramener un foutu jean !
L’incident clôt, nous avons couché ensemble, puis un mois après, avons convenu que nous n’étions faits ni pour être amants, ni pour être amis. Enfin, c’est surtout elle qui en a convenu, j’étais trop content de faire l’amour pour me soucier si nous étions faits l’un pour l’autre…
J’ai regardé Dawson jusqu’au bout, j’ai été heureux du choix de Joey, et me suis dit qu’il était temps que je tourne la page. J’ai donc fait le point avec moi-même et ai réfléchi mon existence indépendamment d’Alice qui avait pourtant tellement contribué à faire ce que j’étais devenu.
J’ai fini par jeter les DVD de Dawson, j’avais peur de les revendre, j’aurais été trop embarrassé… C’est difficile d’assumer une telle passion, même si elle n’est que passagère. C’est mieux de dire aux gens qu’on est fan de Twin Peaks que de Dawson… C’est dommage, je vous l’accorde…
Après avoir jeté les coffrets DVD, j’avais un gros trou dans mon étagère. J’ai réfléchi, me suis demandé ce qui pourrait le plus impressionner les gens, l’intégrale de Rocky ou bien des romans de Dickens ? J’ai choisi Stallone. Parce qu’il était temps que je fasse mes choix en fonction de moi, et pas en fonction de ce que les gens pourraient éventuellement penser.