C’est une collègue de travail qui m’a présenté Chatterton. Elle avait réussi à refourguer tous ses chatons sauf un, parce qu’il avait un caractère un peu spécial…
Il refusait qu’on l’approche, se cachait, crachait sur les visiteurs qui osaient penser l’adopter, préférant, sans nul doute, rester avec sa mère. Désespérée, ma collègue avait envoyé un mail à toute la boîte auquel j’ai répondu positivement. J’aimais bien l’idée d’avoir un petit monstre caractériel.
Je suis allé le chercher le soir même, ai fait sa connaissance tandis qu’il se cachait sous le canapé. Ma collègue qui ne pouvait pas non plus l’approcher a fini par mettre des gros gants de cuisine matelassés, l’a attrapé et l’a enfermé dans une boîte en carton tandis qu’il se débattait et criait. Elle m’a tendu la boîte et m’a dit qu’elle espérait que ça se passera bien.
Le chat avait fini par se calmer et était silencieux. Une fois chez moi et avant d’ouvrir la boîte, je ne pouvais évidemment savoir si le chat était vivant ou s’il était mort ou les deux à la fois. Mais n’ayant pas mis de dispositif à l’intérieur qui pourrait le tuer, et ne comprenant rien à la physique quantique, j’ouvris sereinement la boîte jusqu’à qu’une petite bête toute poilue me regarde avec des yeux verts plein de tristesse et qu’il me miaule dessus.
J’ai laissé la boîte ainsi, au milieu du salon et suis allé m’asseoir dans le canapé. Au bout de quelques minutes, le chat a sorti sa tête du carton et a regardé tout déjà autour de lui. Il m’a scruté puis a miaulé. Malgré ses quatre mois, il avait une forte personnalité. Il a sauté hors de la boîte et a commencé à faire le tour de l’appartement en miaulant dans chaque pièce. Lorsqu’il a compris que sa mère ne lui répondrait plus, il est venu vers moi, est monté sur le canapé, et nous nous sommes regardés en nous demandant ce que nous allions bien pouvoir faire l’un de l’autre…
J’ai essayé de le caresser mais il a craché.
Je me suis levé, il m’a observé mettre de la musique, j’ai mis Take Five par le quartet de Dave Brubeck, me suis rassis où j’étais.
Il ne me quittait pas des yeux tandis que je profitais tranquillement de la musique. Je me suis alors enfoncé dans le canapé, ai posé ma tête contre le dossier et ai fermé les yeux.
Il a d’abord miaulé, plusieurs fois, puis je l’ai senti se mettre sur ses quatre pattes. Il s’est avancé, a reculé car j’ai inspiré trop fort, s’est avancé de nouveau. J’ai senti une minuscule petite patte sur ma cuisse droite, puis une seconde. J’ai ouvert les yeux et ai redressé ma tête. Il a fait un bon en arrière, manquant de tomber du canapé, et ses poils se sont dressés. J’ai tapoté sur ma cuisse avec ma main, il a miaulé, j’ai insisté, il a insisté. J’ai retiré ma main et il s’est avancé de nouveau tout en me regardant bien dans les yeux.
Il a grimpé sur ma cuisse et s’est couché dessus tout en me faisant face. J’ai approché ma main doucement. Il l’a regardée, m’a regardé, la chanson s’est terminée, il a été surpris par les notes de piano vives et rapides de Blue Rondo a la Turk (j’avais oublié d’enlever le mode aléatoire), a fait de gros yeux, a de nouveau surveillé ma main que j’ai approchée petit à petit. Je l’ai senti se crisper d’abord, puis je l’ai caressé à l’aide de mon index entre ses oreilles. Il s’est détendu au bout de quelques instants et s’est mis à ronronner.
Après notre premier câlin, je lui ai montré où était sa litière et sa gamelle. Je l’ai nourri, mais il n’a pas voulu que je le laisse seul. Alors je suis resté dans la cuisine tandis qu’il croquait dans ses croquettes.
Quand je me suis mis à table, il s’est installé sur mes jambes et quand je suis allé me doucher, il a miaulé car il ne supportait que je mette de l’eau sur mon corps.
Quand je suis allé au lit, il s’est installé à mes pieds.
Au petit matin, il s’est mis à miauler partout dans l’appartement, il est ensuite revenu dans la chambre un peu triste, est monté sur le lit, puis il s’est posé sur ma poitrine et a ronronné.