Je devais avoir huit ou neuf ans lorsque j’ai accompagné ma mère au premier vide-grenier qui s’organisait dans notre village. Elle aimait les livres vieux, abîmés, qui ont vécu. Elle appréciait non seulement le texte à l’intérieur, mais surtout l’histoire autour de l’objet. Elle disait qu’elle aimait imaginer le type de personnes qui avait bien pu lire ce livre, s’il avait été donné par un grand-père à sa petite-fille, par une mère à son fils, par un frère à son frère, par une personne secrètement amoureuse à la personne qu’elle aime… Puis d’une main à une autre, encore et encore…
A ce vide-grenier, j’étais tombé sur un livre sur lequel étaient écrits quelques mots bizarres que je n’avais jamais lus : Bilbo le Hobbit.
Je l’avais alors ouvert, impossible de résister à ma curiosité. Il y avait une carte dessinée à l’intérieur, j’ai de suite voulu visiter cet endroit. J’ai regardé ma mère et elle m’a dit que je faisais là un excellent choix. Le vendeur a acquiescé et m’a dit que quand je serai plus grand, je lirai Le Seigneur des Anneaux, du même auteur, et que là, ma vision de la littérature changerait !
Il ne s’était pas trompé.
J’aurais bien voulu parler du Seigneur des Anneaux avec ma mère.
J’ai suivi ma mère de stands en stands tandis que je commençais à lire les premières lignes du livre. Je bousculais quelques personnes qui semblaient ne pas me le reprocher.
On excuse tout à un enfant qui lit.
Elle a choisi quelques bouquins auxquels je m’intéressai à peine. Elle finit par me sortir de mon livre et me montra un vinyle. Elle me dit qu’elle adorait cette chanteuse.
Je lis, Geanice Joplein ?
Elle dit, Janis Joplin.
Nous sommes ensuite rentrés à la maison, je me suis assis dans le canapé avec mon livre, je vois encore ma mère installer le disque dans la platine, j’entends encore les premières notes de basse, j’aperçois encore ma mère monter le son et danser.
Le but de ce récit n’est pas de parler de mes passions comme celle pour les univers imaginaires, bien que j’adore ça, ou même celle pour les ponts, bien que me connaissant, je ne pourrai m’empêcher d’en parler un peu… Le but est de me raconter. Sans prétention aucune, en toute humilité, raconter un peu qui je suis et ce que j’ai vécu. Les êtres chers partis trop tôt, partis trop vite. La découverte et la redécouverte de l’amour, mais un amour n’est-il pas toujours une nouvelle découverte ? – pardonnez ce pléonasme. La solitude aussi, l’évasion, l’introspection parfois. Le vide, je le connais. C’est cet endroit où j’aime me perdre, un lieu où je peux seul me retrouver et m’évader. Je n’en parle jamais à personne de ce néant que je tente de combler tant bien que mal à l’aide de mes pensées. J’ai toujours du mal à expliquer cette chose. Toujours du mal à l’exprimer aussi. Je me demande si tout le monde est comme ça, ou si c’est juste moi. J’imagine que Tolkien devait avoir un vide à lui qu’il a rempli au possible et qu’il a appelé la Terre du Milieu. J’imagine que Terry Pratchett aussi, Douglas Adams ou même George Lucas. Tout comme eux, je comble. Avec des récits, des nouvelles, ou juste un voyage. Je comble cet espace infini qui m’accompagne, cet espace que j’aime tant, où je peux être vraiment moi, vraiment un autre, où je peux parler à qui je veux et voir qui je souhaite, un endroit où je peux être libre.