Ils ont interdit Calvin et Hobbes !
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J’aurais adoré parler de Calvin et Hobbes dans d’autres circonstances. Les nouvelles sont rares, en dehors de rééditions en veux-tu en voilà ! Je ne m’en plains pas ! Plus de personnes liront Calvin et Hobbes, mieux l’humanité se portera.
Malheureusement, même une œuvre aussi drôle et inoffensive en apparence que Calvin et Hobbes peut aujourd’hui se retrouver dans le collimateur de la censure.
Ce que vraisemblablement de nombreuses écoles du Tennessee ont décidé de mettre en pratique1. Après que l’état ait fait évoluer ses lois concernant les livres autorisés aux mineurs, les bibliothèques des écoles ont commencé à se vider de livres tels que le Journal d’Anne Frank ou encore Maus, des oeuvre relatant les crimes nazis. Leurs raisons ? Ils ne seraient pas adaptés à un jeune public. Ne vous inquiétez pas, les bibles ne sont pas enlevées, la violence qui y figure ne présente aucun danger pour les enfants du Tennessee…
Mais pourquoi interdire Calvin et Hobbes ? C’est une bande dessinée, un petit garçon qui parle à son tigre qu’il imagine vivant. Il a beaucoup d’imagination et l’imagination n’est pas (encore) interdite que je sache.
Une oeuvre punk
Si je maintiens que Calvin et Hobbes est une oeuvre profondément humaniste, c’est aussi une oeuvre punk à part entière.
Car comment ne pas reconnaître la force de contestation qui traverse chaque case de la bande dessinée de Bill Watterson ? Calvin est un gamin rebelle. Il refuse obstinément de se plier à l’ordre établi, qu’il s’agisse de l’école, de la famille, ou même de la logique adulte.
Dans l’exemple ci-dessus, Calvin incarne à merveille l’esprit punk : celui qui questionne, qui refuse l’autorité pour l’autorité, qui se moque des conventions et préfère inventer ses propres règles, quitte à finir puni ou incompris.
Comme le mouvement punk, Calvin ne cherche pas à fuir la société mais à la bousculer, à la prendre à contre-pied, à la regarder droit dans les yeux pour mieux en pointer les absurdités. Son club secret, la Calvinball (son jeu préféré qui n’a aucune règle sinon ne ne jamais réutiliser la même règle 2 fois), ses inventions délirantes, ses discussions existentielles avec Hobbes, tout cela résonne comme un grand cri de liberté, un “do it yourself” permanent où l’imagination prime sur la conformité2.
Watterson, à travers son duo, va encore plus loin : il détourne la bande dessinée elle-même, refuse la marchandisation à outrance de ses personnages, et s’autorise une liberté artistique rare dans le monde du comic strip. Calvin et Hobbes, c’est aussi une critique féroce de la société de consommation, des guerres absurdes, de l’aveuglement écologique, du conformisme éducatif — autant de thèmes chers à la philosophie punk, qui prône l’anti-capitalisme, l’anti-autoritarisme et la créativité subversive3.
Il y a alors dans l’oeuvre de Watterson des choses qui dérangent cette idéologie crasse qui sévit aux Etats-Unis. Par exemple concernant le rapport à la nature, à l’écologie.
Alors certes, Calvin et Hobbes est une œuvre intemporelle qui dépasse largement le simple comic pour enfants. Sous ses airs légers et humoristiques, la bande dessinée aborde des thèmes complexes tels que la philosophie, la morale, l’environnement, la politique et la critique sociale, tout en restant accessible à tous les âges. Calvin, un garçon de six ans au caractère rebelle et cynique, et Hobbes, son tigre en peluche à la sagesse tranquille, incarnent des figures qui questionnent la société avec une lucidité surprenante, souvent plus pertinente que celle des adultes qui les entourent. Leur dialogue mêle humour et réflexion profonde, invitant le lecteur à s’interroger sur le sens de la vie, la nature humaine, et les absurdités du monde contemporain.
De fait, les deux héros, à leur façon, incarnent ce nihilisme joyeux et créatif : ils déconstruisent le monde adulte, en révèlent la folie, et rappellent que la vraie liberté, c’est de penser par soi-même et de ne jamais cesser de questionner.
La raison peut-être qui a amené à enlever Calvin et Hobbes des bibliothèques des écoles du Tennessee. Une censure dont seule une société dysfonctionnelle a le secret.
Et sans doute qu’au fond, ce qui dérange le plus dans Calvin et Hobbes, c’est qu’ils osent penser le monde sans dogme, avec liberté, y compris vis-à-vis de la religion.
– Pourquoi tous ces secrets ? Pourquoi tous ces mystères ? Si le mec existe, pourquoi il ne se montre jamais pour le prouver ?
– Et s’il n’existe pas, qu’est-ce que tout cela signifie ?
– Je sais pas… Ce n’est pas une fête religieuse ? – Ouais, mais à vrai dire, je me pose les mêmes questions à propos de Dieu.
- https://pen.org/magic-tree-house-author-calvin-and-hobbes-among-hundreds-of-tennessee-book-bans/ ↩︎
- https://www.growthinktank.org/le-mouvement-punk/ ↩︎
- https://www.citebd.org/neuvieme-art/calvin-et-hobbes-en-liberte ↩︎
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